Par où commencer le rapport d’étonnement d’une semaine de rencontres et de découvertes toutes plus déroutantes les unes que les autres ?
Arrivé à la halte SNCF de St-antoine, le plus proche de l’hôpital, premier choc : les détritus s’amoncellent de toutes parts aux abords du parking : bienvenue. À la sortie de la gare, aucune signalétique, aucune information d’aucune sorte sur les transports et services à proximité, moins encore sur un trajet piéton jusqu’à l’hôpital.
Un peu plus loin, un couple de personnes âgées s’affairent au niveau d’un talus qui borde la rue : elle désherbe et collecte les détritus, lui maçonne une portion de muret formant une petite terrasse de plantations : ils ne sont ni employés municipaux, ni prestataires, ils habitent juste le quartier et donnent du leur pour le rendre plus agréable.
Les abords de l’hôpital sont très verts : des pelouses plantées de grands pins occupent les pentes de la colline sur laquelle les bâtiments sont construits. Ces espaces offrent un potentiel d’autant plus important qu’ils sont orientés plein sud et offrent un large panorama sur la ville. Mais les accès piétons sont aussi rares que le parking sauvage et les détritus sont envahissants.
Le parking-silo construit récemment pour accueillir les visiteurs arbore un chaleureux bardage bois qui tranche avec l’omniprésence environnante du béton. Le dernier étage du parking donne sur le parvis de l’accueil principal de l’hôpital via une passerelle piétonne. L’hôpital étant construit sur une butte, le dernier étage du parking-silo est quasiment le seul espace extérieur accessible de plain-pied et offre une vue imprenable sur Marseille : l’endroit idéal pour aménager une bulle de détente accessible ; mais là aussi, les voitures occupent toute la place.
La discussion avec un agent du bureau d’accueil est surréaliste : il nous fait comprendre qu’il n’en peut plus d’avoir à orienter des patients et des visiteurs perdus. Et pour cause, la signalétique est constituée de plusieurs strates d’informations sans cohérence qui n’offrent aucune vision globale à l’usager. On apprend par ailleurs que les agents d’accueil sont souvent d’anciens soignants non formés à l’accueil…
Le Comité des Usagers confirme : « Une fois que le patient est pris en charge dans un service, tout va bien : c’est tout ce qui se passe avant qui ne va pas. » Les images de l’espace d’accueil du pavillon Mistral au moment de l’ouverture de l’hôpital il y a un demi-siècle sont une vraie claque : lumineux, aéré, végétalisé et confortablement meublé. Cruelle comparaison avec l’espace actuel victime des réaménagements successifs : une trentaine de chaises en plastique sont orientées vers des box d’enregistrement aussi confinés que sombres. Incroyable : les WC de l’espace d’accueil sont inaccessibles aux personnes en fauteuils roulants… dans un hôpital.
Je terminerai ce rapport d’étonnement avec la rencontre lumineuse de la responsable des blouses roses, dont les bénévoles proposent des activités aux enfants dans les espaces d’attente du pavillon mère-enfant. « Quand un enfant vous prend par la main en arrivant en vous disant qu’il est content de venir à l’hôpital, vous savez, ça récompense tous les efforts du monde (…) Il faut dédramatiser l’accès aux soins. » Merci.
En conclusion de cette première semaine de résidence à l’Hôpital Nord de Marseille, j’ai le sentiment d’un grand gâchis. Son emplacement géographique et topologique confère en effet à l’hôpital un potentiel de confort énorme : accessibilité, espaces verts, mixité sociale et culturelle des quartiers, luminosité, vue imprenable. Bien mesuré et exploité au moment de sa création il y a 50 ans, ce potentiel a été laminé par cinq décennies de réaménagements non-coordonnés et de laisser-faire. Et comme le souligne si justement un agent d’entretien « le sale appelle le sale ». Cet hôpital mérite mieux.